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Positif (1972) - Cannes 1972

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Inutile de revenir une fois de plus sur les caractéristiques du festival, sur la pléthore de films, l'absence réelle de débouchés pour beaucoup d'entre eux, l'artifice d'une façade brillante qui recouvre une distribution et une exploitation malades : tous problèmes trop vastes et complexes pour être traités ici. Comme exposition du cinéma mondial, Cannes une fois de plus a rempli son rôle : tous les courants y étalent représentés et, phénomène nouveau, un divorce plus grand se faisait sentir entre critique et public. Maurice Bessy, nouveau secrétaire général, avait voulu, adroitement de son point de vue, contenter les tenants satisfaits de la médiocrité « commerciale » et les cinéphiles plus exigeants. D'où un mélange détonnant qui a toujours existé bien sûr dans ce type de compétition mais qui, plus net encore cette année, faisait l'effet pour les festivaliers d'une douche écossaise, le meilleur côtoyant le pire, ce meilleur et ce pire n'étant pas les mêmes pour tout le monde. Après une semaine de films étrangers riches en audaces de toutes sortes, en accomplissements certains, les critiques faisaient un sort justifié à Chère Louise et aux Feux de la Chandeleur, devenus boucs émissaires d'une production sans imagination et sans force, tandis que le public cannois applaudissait (1) le soir ces purs produits de l'intelligence française. Mais Positif aurait du mal à critiquer la moitié d'un menu officiel que nous aurions pu préparer puisque s'y retrouvaient une dizaine de cinéastes défendus ici depuis longtemps : John Huston, Elia Kazan, Michel Soutter, Robert Altman, Miklos Jancso, Peter Fleischmann, Francesco Rosi, Sydney Pollack, Federico Fellini, Maurice Pialat, même si nous enregistrions sans plaisir la chute (provisoire sans doute) des Skis (Polanski, SkolJmowski, Tarkovski) sur le terrain glissant de l'adaptation shakespearienne, de la farce boulevardière, et de la science‑fiction « pensante ». Comme pour se faire pardonner de transformer le metteur en scène en superstar, le comité de sélection nous infligeait des oeuvres d'une consternante médiocrité : comment expliquer que Mimi Metallurgico ait pu être préféré aux derniers films de Bellocchio (In Nome del Padre) ou de Ferreri (Melampo, l'Udienza), ou To Find a Man de Buzz Kulik à Deliverance de John Boorman ou encore The Ruling Class à Family Life de Ken Loach, sensation de la Quinzaine des Réalisateurs, et même La Vraie Nature de Bernadette de Gilles Caries (Canada), comédie paysanne assez pataude à La Maudite Galette, satire féroce et contrôlée. Encore une fois aucun critère ne semble présider à la sélection, sinon celui de se garder de tous côtés. La composition du jury rendait hommage encore plus ouvertement cette année à la Politique des auteurs, puisque s'y côtoyaient Mark Donskoï, Milos Forman, Alain Tanner, sous la présidence de Joseph Losey. Devant l'autorité de ses membres, on a peine à comprendre certaines de ses décisions : l'oubli par exemple de Kazan et de ses Visitors (l'auteur d'America America serait‑il victime à son tour d'on ne sait quelle liste noire ?) tout comme celui des Arpenteurs de Soutter (tourné aussi en 16 mm, format excluant peut‑être toute récompense), pour ne pas parler de Jeremiah Johnson, meilleur film de Pollack ni des Cloches de Silésie de Peter Fleischmann. Quant au Grand Prix du Jury à Solaris, frôlant une Palme d'Or qu'on avait, paraît‑il, assurée à l'URSS, cela fait partie de ces consolations diplomatiques que nous ne qualifierons pas de scandaleuses pour ne pas être taxé d'anti‑communisme. Le partage ridicule de la distinction suprême entre La Classe Ouvrière va au Paradis et L'Affaire Mattei est encore plus inexplicable. Un fossé sépare l'épaisse satire de Petri, confuse et racoleuse, et le film de Rosi, digne, ô combien, de la Palme d'Or, si celle‑ci récompense un grand cinéaste en pleine possession de ses moyens, et une oeuvre ambitieuse et achevée, comme l'an dernier Joseph Losey et son Go‑Between. Ce n'est pas tant le cinéma italien comme on l'a écrit un peu partout (à cause sans doute de ces deux films magistraux que sont Roma et L'Affaire Mattei) qui frappa par sa richesse, mais comme d'habitude le cinéma américain, dominant la Semaine de la Critique avec quatre films sélectionnés sur huit, tout comme la Quinzaine des Réalisateurs. Encore faut‑il noter que certains films remarquables comme le western Dirty Little Billy, le documentaire sur les thérapies de groupe, Childhood II ou la cure psychanalytique filmée dans The Inner Revolution furent éliminés des diverses manifestations cannoises pour ne pas donner aux productions d'Outre‑Atlantique une place envahissante.

Dominée l'an dernier par le cinéma direct, la Semaine de la Critique était cette année plus variée et d'un niveau plus élevé, révélant deux cinéastes, Denys Arcand (La Maudite Galette) et Beni Montresor (Pilgrimage), proposant des sujets de réflexion sur l'histoire au passé (Der Hamburger Aufstand Oktober 1923) et au présent (Winter Soldier), accueillant l'animation non‑conformiste (Fritz The Cat) ou aidant une production courageuse dans le cinéma français (Avoir 20 ans dans les Aurès). Seul Prata Palomares d'André Faria (Brésil) ne put être présenté, le gouvernement brésilien s'opposant à sa programmation et interdisant de voir ce que l'on peut considérer comme le chant du cygne du cinema novo (2). Pour la première fois, cette manifestation qui en est à sa onzième édition était accueillie dans la grande salle du Festival et organisait des projections en ville, signe d'une évolution ou d'une récupération : comme on voudra, mais aide décisive pour les films présentés, incontestablement.

De son côté la Quinzaine des Réalisateurs, tenant compte des excès de l'an dernier, proposait un programme plus léger. La sélection, moins alléchante qu'en 1971 (on n'y retrouvait guère de grands noms), remplissait peut‑être davantage ses intentions de découverte et de prospection. Un des signes les plus révélateurs de la mutation que connaît le Festival de Cannes (« ouverture » de la compétition officielle, importance grandissante des Semaine et Quinzaine parallèles) est le dépérissement du marché aux films, lieu, il n'y a guère, de nombreuses révélations.

M. C.

P. S. ‑ Pour plus de commodité, nous rendrons compte des films dans l'ordre alphabétique avec mention du lieu de leur présentation : CO. = Compétition officielle ; H.C. = Hors compétition ; S.C. = Semaine de la Critique ; Q. R. = Quinzaine des Réalisateurs ; M.F. = Marché du film. En dehors des oeuvres inscrites en compétition, nous avons choisi de parler, parmi ceux que nous avons vus, des seuls films qui, pour une raison ou une autre, ont retenu notre attention

On trouvera la critique de Avoir 20 ans dans les Aurès (S.C), de Images (CO.), des Visitors (CO.), de Slaughterhouse 5 (CO.), dans la rubrique Films en fin de numéro. Nous consacrons par ailleurs des ensembles à Roma (H.C.) et à II Caso Mattei (CO.).

Nous rendrons compte dans un prochain numéro des Arpenteurs (de Michel Soutter, CO.), de Jeremiah Johnson (de Sydney Pollack, CO.), de Das Unheil (Les Cloches de Silésie de Peter Fleischmann, CO.), de Nous ne vieillirons pas ensemble (de Maurice Pialat, CO.), de Frenzy (d'Alfred Hitchcock, H.C.) et de Fat City (de John Huston, H.C).

Nous avons déjà parlé de La Classe Operaia va in Paradisio (de Elio Petri, CO.) : Cf. Positif No 137, p. 3.

Notes

  1. Notons à ce propos le communiqué maladroit de l'Association Française de la Critique qui fustige globalement la sélection française. S'agit‑il d'un oubli ou de la condamnation de l'admirable film de Pialat, Nous ne vieillirons pas ensemble?
  2. En dépit de la requête orale, puis écrite, des sélectionneurs de la Semaine de la Critique, le bureau de l'Association de la Critique refusa pour d'obscures raisons administratives d'inclure dans le comité un représentant de Cinéma 72. Par mesure de représailles, cette revue, dans son compte rendu de Cannes (No 167) réussissait à escamoter l'existence de la Semaine. Tout en jetant une certaine lumière sur le monde de la critique parisienne, ces procédés n'honorent ni les uns ni les autres. Comme on dit : ça vole bas (ou ça vole mal, Vera?).

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Needless to return once more about the features of the festival, on the plethora of films, the real lack of opportunity for many of them, the artifice of a glossy façade that covers distribution and exploitation sick: all problems too large and complex to be dealt with here. As exposure of world cinema, Cannes once again fulfilled its role: all the currents spread represented and new, more divorce was felt between critic and public. Maurice Bessy, new general secretary, wanted, deftly from his point of view, merely satisfied proponents of "commercial" mediocrity and discerning moviegoers. Where an explosive mixture that has always existed of course in this type of competition but, even more net this year was due to the festival Scottish shower, best alongside the worst best and worst is not the same for everyone. After a week of rich foreign films audacity of all kinds, some achievements, critics were a lot justified Dear Louise and lights Candlemas become scapegoats production unimaginative and weak, while the public Cannes applauded (1) in the evening the pure products of French intelligence. Positive but would struggle to criticize half of a formal menu that we could prepare since met there a dozen filmmakers defended here long: John Huston, Elia Kazan, Michel Soutter, Robert Altman, Miklos Jancso, Peter Fleischmann Francesco Rosi, Sydney Pollack, Federico Fellini, Maurice Pialat, although we recorded without pleasure the fall (probably temporary) of Skis (Polanski, SkolJmowski, Tarkovsky) on the slippery slope of Shakespearean adaptation, boulevardière farce, and science-fiction "thinking." As to make amends to transform into superstar director, the selection committee we inflicted works of appalling mediocrity: how is it that Mimi Metallurgico could be preferred to the latest films Bellocchio (In Nome del Padre) or Ferreri (Melampo the Udienza) or To Find a Man Buzz Kulik Deliverance to John Boorman or The Ruling Class in Family Life Ken Loach, feeling the Fortnight, and even the True Nature of Bernadette Gilles caries (Canada), rather clumsy peasant comedy La Maudite Galette, fierce satire and controlled. Again no criterion seems to preside over the selection, but he to refrain from all sides. The jury paid tribute more openly this year's Policy authors, since there rubbed Mark Donskoy, Milos Forman, Alain Tanner, chaired by Joseph Losey. To the authority of its members, it is hard to understand some of his decisions: oblivion eg Kazan and its Visitors (author of America America is a victim, in turn, who knows what blacklist?) like that of Surveyors Soutter (also shot in 16 mm, excluding format can be any reward), not to speak of Jeremiah Johnson, best film Pollack nor bells Silesia Peter Fleischmann. As for the Grand Jury Prize at Solaris, brushing a Palme d'Or we had, it seems, ensured the USSR, it is part of these diplomatic consolations that we do not describe as scandalous not to be accused of anti-communism. Ridicule sharing the supreme distinction between the working class goes to Heaven and The Mattei Affair is even more inexplicable. A gap between the thick satire Petri, confused and highly touted, and Rosi film, worthy, oh, the Palme d'Or, if it rewards a great filmmaker in full possession of his faculties, and a work ambitious and complete as last year Joseph Losey and his Go-Between. This is not so much Italian cinema as we wrote around (probably because these two films and lectures that are Roma The Mattei Affair) struck by his wealth, but as usual cinema U.S., dominating the Critics 'Week with four films selected eight, as the Directors' Fortnight. Must still note that some notable films such as westerns Dirty Little Billy, the documentary on the group therapy, Childhood II or psychoanalysis filmed in The Inner Revolution were eliminated various Cannes events for not giving overseas productions Atlantic invasive instead.

Dominated last year by direct cinema, the Critics' Week was more varied this year and a higher level, revealing two filmmakers, Denys Arcand (The Cursed Galette) and Beni Montresor (Pilgrimage), proposing topics reflection on the history of the past (Der Hamburger Aufstand Oktober 1923) and the present (Winter Soldier), welcoming the animation maverick (Fritz The Cat) or helping a courageous production in the French cinema (Having 20 years in the Aures ). Only Prata Palomares André Faria (Brazil) could not be presented, the Brazilian government opposing his programming and prohibiting to see what can be considered as the swan song of cinema novo (2). For the first time, the event which is now in its eleventh edition was hosted in the great hall of the Festival and organized screenings in town, a sign of evolution or recovery: as you will, but decisive aid for movies presented clearly.

For its part Fortnight, taking into account the excess of last year, proposed a lighter program. Selection, less attractive than in 1971 (there are hardly found big names), perhaps more intentions of discovery and exploration filled. One of the most revealing of the changes taking place in the Cannes Film Festival ("openness" of the official competition, growing importance of Week Fortnight and parallel) signs the decline of market films, there is not much of many revelations.

MC

PS - For convenience, we will report movies in alphabetical order with reference to the place of their presentation: CO. = Official Competition, HC = Outside the competition, SC = Critics' Week; QR = Fortnight, MF = Film Market. Apart from works listed in competition, we chose to speak, of those we have seen, the only films that, for one reason or another, have caught our attention

Criticism of Being 20 years in the Aures (SC) of Images (Co.), the Visitors (Co.), Slaughterhouse 5 (Co.) in the Movies section in the end number will be found. We spend also sets Roma (HC) and II Caso Mattei (Co.).

We will report in an upcoming issue of Land (Michel Soutter, CO.), Jeremiah Johnson (Sydney Pollack, CO)., Das Unheil (The Bells of Silesia Peter Fleischmann, CO.) Of We Grow Old not all (Maurice Pialat, CO.) of Frenzy (d ' Alfred Hitchcock , HC) and Fat City (John Huston, HC).

We have already spoken of the Class will Operaia in Paradisio (Elio Petri, CO).: See Positive No. 137, p. 3.

Notes

  1. Note in this connection the awkward press the French Critics Association criticizes that overall the French selection. Is it an oversight or conviction of the wonderful film Pialat, we do not grow old together?
  2. Despite oral and written request, breeders of the Critics' Week, the office of the Association of Critics refused to obscure administrative reasons included in the committee a representative of Cinema 72. In retaliation, the magazine, in his account of Cannes (No. 167) managed to evade the existence of the Week. While throwing some light on the world of Parisian critics, these methods do honor neither the one nor the other. As they say, it flies low (or it flies badly, Vera?).